José Giovanni > Réalisateur Scénariste Dialoguiste > Dernier domicile connu
Extrait de Mes grandes gueules, José Giovanni, 2002
Une jeune femme s'était cassé un petit os de la cheville en s'évadant d'une prison. Elle s'appelait Albertine Sarrazin. J'avais croisé le destin de Sarrazin, l'amour de sa vie. Le petit os d'Albertine portait un nom : l'astragale. Albertine écrivit le bouquin qui déclencha un film.
Une ravissante et émouvante comédienne joua le rôle d'Albertine : la rouquine Marlène Jobert. Il émanait d'elle la vitalité de la chèvre de monsieur Seguin, la ténacité du combat inégal qui offre finalement la victoire. Je ne peux déjà plus imaginer une autre comédienne pour faire tandem avec Lino dans Dernier domicile connu.
Hercule Muchielli accepte de produire d'emblée et s'associe avec Jacques Bar, un producteur dont le niveau professionnel ne peut que rassurer le metteur en scène. En plus, Jacques Bar est sportif.
Je pourrais utiliser mon passé siamois avec le couple Sarrazin pour proposer le rôle à Marlène Jobert. Nous passons par le canal de son agent, Gérard Lebovici, éminence grise du cinéma français, force occulte qui s'amuse à raser les murs. En bref, un personnage que l'on préfère avoir de son côté. Il ne représente ni Lino ni moi. Alors pas de picaillons de notre côté. Mais le projet lui plaît pour Marlène. Il en profite, c'est son boulot, pour faire monter les enchères. Le casting est monté. Il reste à acquérir les droits du roman américain. Lebovici se jette sur cette recherche comme un loup sur un agneau. S'il intervient sur les droits du roman, nous perdrons une partie de notre liberté. Heureusement, Jacques Bar a travaillé avec des majors américaines. Il se charge de la recherche de l'auteur.
Ennemi du temps perdu, j'attaque sans attendre l'adaptation dialoguée du film. Nous sommes installés dans notre chalet. Zazie est enfin la maîtresse du foyer. Elle est douée pour le bonheur et les contacts avec la petite population montagnarde qui nous entoure. Notre clairière domine le village. Les sentiers de montagne bordent le chalet. J'ouvre deux voies d'escalade sur les parois d'une falaise qui débouche sur un plateau d'où l'on voit le mont Blanc. Cette fois ma tribu est à l'abri. Mon fils Paul randonne avec moi. Tintin, le berger allemand, retrouve un peu de sauvagerie en cavalant après un chevreuil ou un chamois qu'il ne rattrape jamais.
L'enquête du flic de la Crim et de son assistante me passionne, par la patience et la palette de la société qu'elle utilise. Lino s'appellera Marceau, du prénom d'un hôtelier montagnard du village, dans lequel je me suis reconnu. Il me prête un chalet miniature en altitude lorsque j'ai besoin de me couper du monde pour écrire plus vite.
J'ai terminé dès septembre et on recherche toujours l'écrivain américain. C'est un ancien flic qui doit cultiver le mystère sur sa vie privée. L'absence de ses droits empêche la production d'avancer. Lino et Marlène aiment le scénario. Je pinoche avec Lino dans sa propriété d'Anjou et je rentre en famille. Nos enfants sont toujours à l'école du village. Ils s'y rendent en suivant un sentier sans risquer de se faire écraser par un chauffard.