José Giovanni > Scénariste dialoguiste > Symphonie pour un massacre
Extrait de Mes grandes gueules, José Giovanni, 2002
Le cinéma continue de dérouler le filin du cerf-voant. Je suis ce cerf-volant. Jacques Deray m'appelle. L'adaptation d'un roman, Les Mystifiés. Son scénario prend l'eau. Il a besoin d'un remorqueur de sauvetage en haute mer. À bord, l'équipe spécialisée : Claude Sautet -José Giovanni. Nous déposons nos sacs dans notre auberge émouvante, La Table de la Reine à Boisle-Roi, et nous reprenons nos marques de Classe tous risques : la forêt et mon ami Jacques Évrat, l'ex-instructeur bénévole de basket en milieu carcéral.
Nous remettons en place la mécanique implacable de l'histoire. Comme d'habitude, Jacques Deray est proche de son tournage. Il travaille sur son casting : des acteurs intéressants et décalés par rapport au polar : Michel Auclair, Jean Rochefort, Claude Dauphin et Charles Vanel, plus proche du genre. Mais le scénario le tuera assez tôt. Je me trouve engagé comme acteur à cause d'un physique capable de climatiser ce film désormais intitulé Symphonie pour un massacre. Jean Rochefort va me faucher, dans uu wagon-lit, une sacoche bourrée de fric. Il y a bataille. Je lui conseille un coup violent du genou qu'il doit bloquer avant le choc m'expédiant contre la paroi. Emporté par l'action, il ne bloque pas et j'hérite d'un choc contre l'oreille. Mille tambourins dans la tempe avant ma mort causée par un crochet de la paroi me trouant le crâne. La joie de vivre assurée. Jacques Deray, impressionné par le charisme de mon Père et par sa connaissance du poker, lui demande de jouer une silhouette dans le décor du cercle de jeu de son film. Avec Jean Becker pour Un nommé La Rocca, ça sera la deuxième prestation de mon Père sur un écran, et il ne s'en étonne pas davantage qu'un oiseau s'étonnerait de gober une mouche.
Le travail vécu une nouvelle fois avec Claude Sautet m'enchante et me fait oublier la fréquentation de Melville. Jacques Deray signera avec Symphonie pour un massacre un de ses meilleurs films. Peut -être bien le meilleur. Une pierre de plus à la solidification de ma carrière.