José Giovanni > Une écriture cinématographique |
à travers l'adaptation du Deuxième souffle de Jean-Pierre Melville
© 1966 Production Charles Lumbroso / René Chateau Vidéo |
Les romans de José Giovanni inspirent fortement les cinéastes. Son écriture où prédomine l'action et les dialogues est directement transposable au cinéma comme le démontre cet extrait de la célèbre scène de l'arrivée du commissaire Blot dans le bar de Manouche azprès le meurtre de Jacques Le Notaire, dans Le Deuxième souffle de Jean-Pierre Melville. La fidélité au roman retranscrit ci-dessous y est presque totale.
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ls débouchèrent dans le bar et se mirent à tourner dans tous les sens. Alban ne connaissait personne dans cette brigade. Le plus âgé parla aussitôt d'embarquer tout le monde.
- Touchez pas à celui-là ! glapit-il en désignant le corps de Jacques. Qui a tiré ? C'est elle ? continua-t-il en avisant Manouche toujours prostrée dans son fauteuil. - C'est pas elle. Elle, c'est la patronne, lâcha Alban sans remuer. - On vous demande rien, vous parlerez après, trancha le flic. Alban eut un petit sourire. - Je ne crois pas qu'il te raconte grand-chose, dit une voix derrière eux. Les visages s'orientèrent vers un type d'une quarantaine d'années, vêtu avec recherche. Il s'appuyait dans l'embrasure de la porte. - Ah! bonsoir, dit le flic qui jactait depuis le début. Justement on... - Bonsoir Manouche, dit le "patron" en s'avançant. - Bonsoir, commissaire, murmura Manouche. Vous avez vu ? Elle désigne Jacques de la main. Le commissaire Blot s'était occopé du gang de Pierrot le Fou et suivait avec intérêt la recrudescence des régléments de comptes. Il souleva le mouchoir qui recouvrait le visage. -C'est Jacques Ribaldi, dit Jacques le Notaire, annonça-il aux hommes qui l'entouraient. (Il palpa le corps.) Ils l'ont criblé, dit-il en se relevant. Il tenait le Colt de Jacques et le manuvra. Le chargeur était plein, avec une balle dans le canon. Il tendit le flingue à son adjoint. - il n'a pas eu le temps, dit-il. Ils étaient au moins quatre. Blot leva les yeux sur Alban. - Peut-être que tu étais mieux placé ? lui dit-il. - Toujours à plaisanter, commissaire, reprocha Alban. Vous savez bien qu'on est sage. - ... et que ceux qui t'en voulaient, ils sont morts, enchaîna Blot sur le même ton. - Comment pouvez-vous dire, commissaire, soupira Alban. - Surtout ne tombe pas dans les pommes, dit Blot. Et puis du moment que Manouche n'a rien, tu te fous du reste. C'est ça, hein ? La conférence va commencer, enchaîna-il. Vous pouvez approcher, vous autres. ( Et il invita le personnel de la salle à manger.) Fermez le cercle. Je n'appelle pas les clients, je suppose que ce soir il n'y en avait pas. (Il sourit à Manouche.) Messieurs, dit-il à ses hommes , les reliefs de repas par petites tables que nous apercevons d'ici ne sont pas des signes de précipitation. Certains quittèrent le lieu aux hors-d'oeuvres, d'autres un poil avant les entremets. Rien en cela que de normal. Disons que la Reine d'Angleterre faisait du stop avenue Montaigne, ce qui valait le dérangement. Pour le reste, Messieurs, voici Alban, qui n'a absolument rien vu. Quand l'accident est arrivé, il était accroupi derrière le bar, il y chassait les mouches. Lorsqu'il releva la tête, les agresseurs, les vilains, ceux qui sont entrés llà on se demande pourquoi, avaient disparu. Alban ne pourrait même pas dire s'il s'agissait d'un seul homme ou d'une tribu de touareg. N'est-pas Alban ? - C'est à peu près ça, commissaire. |